I. Définition, classification et évaluation du risque
a. Les agents chimiques de guerre
- Définition et classification
C'est une substance chimique qui, lors d'une opération militaire, a pour effet de tuer, de blesser ou d'incapaciter temporairement un homme par les effets physiologiques qu'elle provoque.
Il faut distinguer : les irritants (peu toxiques), les incapacitants psychiques et physiques (qui ne laissent pas de séquelles), les vésicants (qui causent des brûlures), les suffocants (qui provoquent une asphyxie) et les neurotoxiques organophosphorés (forme exacerbée d'insecticide très redoutée).
- Production, modes de dissémination et toxicité
Les agents chimiques réclament peu de compétences pour être produits. D'ailleurs, beaucoup d'éléments permettant d'en fabriquer sont en vente libre pour les besoins de l'industrie chimique. Le mode de dissémination dépend du toxique. Il peut être une explosion, une dispersion par chauffage ou une dispersion par pulvérisation. La toxicité est liée à la durée d'exposition et au taux de concentration. Au niveau des capacités de destruction, les armes chimiques se situent entre les armes nucléaires et biologiques (dévastatrices) et les armes conventionnelles. Elles sont cependant désignées comme des armes de destruction massive.
b. Les armes biologiques
- Définition et classification
C'est un micro organisme qui provoque une maladie chez l'homme, les plantes ou les animaux, ou qui produit une détérioration des matériaux. Il faut distinguer : les agents vivants capables de créer une épidémie (les bactéries, les virus) et les agents non vivants incapables de se reproduire mais sécrétés par des organismes vivants (les toxines).
- Production, modes de dissémination et toxicité
La production d'armes biologiques nécessite des connaissances précises et un matériel sophistiqué. La voie d'infection peut être digestive, aérienne ou percutanée. Les conséquences sont difficiles à prévoir : l'évolution d'une épidémie dépend de l'état des populations visées et de la rapidité de réaction cependant elles peuvent être dévastatrices. Par ailleurs, l'emploi d'armes technologiques peut créer la panique ce qui fait d'elles non seulement des armes de destruction massive mais aussi des armes de « désorganisation massive ».
II. Histoire des armes chimiques et biologiques
a. De la première guerre mondiale à la seconde guerre mondiale
- La première guerre mondiale : le choc
Jusqu'à la première guerre mondiale, le droit coutumier a condamné l'emploi des armes chimiques et biologiques. Cependant lors de ce conflit, elles furent toutes deux employées.
_ naissance de l'artillerie chimique, amélioration des mécanismes de dispersion, utilisation d'agents de plus en plus toxiques et apparition des mesures défensives (protections respiratoires)
_ emplois d'agents biologiques contre les chevaux et les récoltes
Suite à ces évènements, l'entre deux guerres fut marqué par une volonté de négociation. En 1925 est finalement signé par 40 pays le protocole de Genève qui interdit ces nouvelles armes. Mais aucun moyen de vérification n'est prévu, et les recherches vont se poursuivre secrètement.
- La seconde guerre mondiale : limites de l'emploi militaire
Pendant la seconde guerre mondiale, elles seront toutefois peu employées. Deux exceptions : le Japon en Chine, et l'Allemagne avec les camps d'extermination à gaz.
b. La guerre froide suivie du désarmement
- La guerre froide : la course aux armements
Jusqu'à la fin des années 60, les Etats Unis et l'URSS vont développer leurs arsenaux chimiques et biologiques. Ils disposent alors tous deux d'une large palette d'agents pathogènes en ce qui concerne les armes biologiques. Les armes chimiques vont même jusqu'à être employées par les Etats Unis au Vietnam entre 61 et 73 : ce sont les bombardements au napalm.
- Le désarmement
Devant cette escalade et son impopularité des initiatives sont finalement prises pour éviter la prolifération de ces armes.
_ 1972 : convention d'interdiction des armes biologiques signée par Londres, Moscou et Washington beaucoup plus complète et contraignante que le protocole de Genève
_ 1993: convention d'interdiction des armes chimiques ratifiée par 114 Etats et création d'une organisation pour l'interdiction des armes chimiques qui permet la vérification et la destruction de ces armes ainsi que les inspections dans l'industrie chimique.
III. La situation actuelle : les risques et les solutions envisageables
a. Risque réel ou mythe ?
- Les limites du désarmement
Le désarmement en la matière a progressé cependant des zones d'ombres persistent. Au sujet des armes biologiques, la convention de 1972 ne dispose toujours pas de véritable moyen de contrôle. L'Iran, Israël, la Libye, la Syrie, la Chine, la Corée du Nord et Taiwan disposeraient d'un programme clandestin de fabrication par ailleurs des révélations récentes ravivent les doutes sur l'existence d'un gigantesque programme de guerre biologique offensif en Russie. Au niveau des armes chimiques, la Libye, la Corée du Nord, la Somalie, le Soudan, Taiwan, et le Vietnam refusent toujours de ratifier la Convention. L'Egypte, la Syrie et Israël n'ont pas signé.
- Le risque terroriste
Ben Laden aurait affirmé que l'acquisition d'armes nucléaires, chimiques et biologiques était un « devoir religieux ». Ce risque est réel : dans quelques années, il sera possible pour n'importe quel étudiant doué de fabriquer à moindres frais une arme chimique voire biologique. L'attaque chimique terroriste du métro japonais en 1995 et la série de cas d'infection humaine par le bacillus anthracis (responsable de la maladie du charbon) aux Etats-Unis à l'automne 2001 ont récemment démontré l'acuité du problème.
b. Les moyens de défense
- La détection et l'identification
La détection et l'identification de l'agent toxique employé doivent être rapides pour permettre la réussite d'un plan d'action sanitaire suite à une attaque chimique ou biologique. En France, le plan Sentinelle, qui regroupe un réseau de 1270 généralistes mobilisables est prévu à cet effet. Les chercheurs aux Etats Unis se penchent sur des systèmes de détection à distance et sur la recherche de vaccins ou de traitements adaptés.
Cependant, rien ne permet de résoudre le problème du choc psychologique sur la population qui pourrait s'avérer catastrophique.
- L'amélioration des contrôles
Au niveau des armes biologiques, il faut doter la Convention d'outils de vérification dissuasifs, malgré l'opposition des Etats Unis à ce projet (ils craignent une forme d'espionnage). En ce qui concerne l'utilisation par des entités non-étatiques des agents chimiques ou biologiques, l'adoption de lois nationales qui criminaliseraient les activités interdites par les conventions contribuerait à contrer ne serait-ce que partiellement le risque.
IV. Problématiques
Est-il légitime d'employer le concept de guerre asymétrique à ce sujet ?
Il s'agit d'un concept en vogue né de la guerre du Golfe. Il justifie la théorie selon laquelle, en accentuant leur supériorité militaire conventionnelle, les pays occidentaux incitent leurs ennemis potentiels à acquérir des armes de destructions massives et plus particulièrement des armes chimiques et biologiques. Ne pouvant rivaliser sur le terrain militaire, ces Etats placent leurs espoirs dans la possibilité de dissuader, au moyen d'une menace suffisamment terrible, une éventuelle action militaire contre leurs intérêts.
En quoi s'agit-il de questions internationales ?
Lors de la réunion à Ottawa des ministres de la santé du Canada, du Mexique, des Etats Unis, de la Grande Bretagne, de la France, de l'Allemagne, de l'Italie et du Japon en octobre 2001, une série de mesure a été annoncé pour lutter contre l'usage terroriste d'agents chimiques et biologiques. Cela aurait pu laisser entrevoir la création d'un consortium de pays riches se protégeant des menaces sans se soucier des pays pauvres. Mais cela est impossible : le risque biologique notamment est évidemment planétaire.
Quel rôle pour l'opinion publique internationale ?
Dans le cas des mines antipersonnel, la mobilisation des opinions internationales a permis l'accélération des négociations (qui ont abouti à la signature d'un traité en 1996). Un mouvement semblable pourrait permettre le renforcement de la Convention de 1972 sur les armes biologiques malgré l'opposition des Etats Unis. C'est ce que recherche le Comité International de la Croix Rouge qui a lancé un cri d'alarme en septembre 2002.
@ Rikiai.Jimdo
MAJ le 02/11/2014