Source : Manipulation, une histoire française
Un documentaire politique fascinant et une très belle réalisation créée en 2011 par Jean-Robert Viallet : « Manipulations, une histoire française. » Une enquête qui va vous emporter avec ces premiers mots : « L’histoire que je vais vous raconter se déroule dans le monde des puissants. Un monde peuplé de grand ministre, de banquiers, d’agents secrets, de marchands d’armes, d’intermédiaires douteux, de juges opiniâtres et de journalistes trop curieux.
C’est une histoire qui met à nu les mécanismes secrets inhérents à l’exercice du pouvoir. C’est une histoire rare. Le monde des puissants ne nous donne à voir que ce qu’il veut bien montrer. Les coulisses du pouvoir nous sont interdites, nous n’y sommes jamais invités sauf quand un dérèglement du système, une fissure déchire les secrets de la forteresse de la République.
C’est là que je vais vous conduire. Dans une nébuleuse où vous n’avez vu que les flammes, l’avant-scène. Un tribunal transformé en arène. Le 21 septembre 2009 aurait dû être un jour ordinaire mais il s’ouvre sur un barnum qui fait trembler les milieux politiques, monter l’adrénaline des chroniqueurs judiciaires et qui, partout, alimente rumeurs et discussions de comptoir. Loin de cette agitation judiciaire, une jeune journaliste Vanessa Ratignier a passé des mois à examiner tout ce qui concerne notre histoire. Un travail laborieux. 80000 pièces d’instruction à examiner, des dizaines d’interviews à lancer, 20 ans d’histoire à reconstituer. Après des mois, son travail croise celui d’un homme qui a passé sa vie à enquêter sur les coulisses du pouvoir.
Pierre Péan a 30 livres d’enquêtes derrière lui. Des livres qu’il a écrit dans sa cabane loin de l’effervescence parisienne. Son réseau d’informateurs et son expérience vont permettre à la journaliste de cheminer dans ce labyrinthe. C’est souvent comme ça avec les grands procès. Ils servent à dire le droit, pas toujours à établir la vérité. Là rien sur la société Clearstream, la finance, les paradis fiscaux. Rien sur les contrats d’armement, l’argent noir, les commissions , les rétro-commissions. Rien sur les zones grises d’un système au cœur duquel ces hommes se sont entretués. Juste cette odeur de haine entre individus d’un même monde. Pourtant cette affaire est passionnante. Reprenons l’histoire au début. [...] »
Pierre Péan et Vanessa Ratignier marchent sur les pas des deux personnages clés de l'affaire Cleastream, Imad Lahoud l'ancien trader et Jean Louis Gergorin, stratège chez EADS. En mai 2002, Imad Lahoud sort de prison. Malgré ça, il va opérer une ascension fulgurante au sein des services secrets français. Il bénéficie de l'aide de Gergorin qui lui présente le Général Philippe Rondot, le spécialiste français de la lutte antiterroriste. Lahoud lui promet Ben Laden, l'appât fonctionne. Il devient agent de la DGSE, obtient un emploi de couverture chez EADS.
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Pour trouver Ben Laden, Lahoud a besoin de l'annuaire des comptes bancaires de la « chambre de compensation » Clearstream. C'est l'instrument mis en place par toutes les banques du monde pour centraliser et mémoriser l'ensemble des opérations de transferts de titres et de capitaux. Un journaliste en a décrypté les mécanismes : Denis Robert. Son livre, publié en 2001, décrit comment ce mécanisme peut être détourné pour blanchir l'argent sale. Lui et les hommes qui l'ont aidé à dévoiler ce mécanisme se trouvent au centre d'une gigantesque polémique. Commence un interminable harcèlement judiciaire, qu'il finira par gagner. Car Denis Robert n'a rien lâché, d'autant moins qu'un nouvel informateur, Florian Bourges, lui transmet un listing de comptes datant de septembre 2001, document qui servira, plus tard, de base aux faux listings Clearstream.
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La DGSE commence à sérieusement douter d'Imad Lahoud. Or en mars 2003 Jean Luc Lagardère décède subitement. Profondément ébranlé par la mort de son patron, Jean Louis Gergorin soupçonne un assassinat. Pour comprendre la paranoïa de Gergorin, il faut revenir sur une décennie de restructuration de l'industrie d'armement française. Deux géants s'affrontent violemment, Jean Luc Lagardère à la tête de MATRA et Alain Gomez PDG de THOMSON. La victoire de Lagardère sera totale, Matra est devenu EADS, numéro 2 mondial de l'aviation et de l'industrie de la défense. Ce qui lui vaut de nombreux ennemis. Dans ce monde des marchands d'armes, tout est possible, y compris le meurtre. A la mort de Lagardère, Imad Lahoud comprend le désarroi de Gergorin. Il va tout faire pour alimenter sa parano et ainsi se rétablir après avoir été lâché par la DGSE.
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Lahoud démontre à Gergorin que des mouvements suspects sur le titre Lagardère ont bien eu lieu dans les semaines précédant la mort du capitaine d'industrie. Comment ? Grâce aux listings Clearstream. Ceux-ci laissent apparaître le nom d'Alain Gomez. Mais voilà qu'au fil des jours, d'autres noms surgissent, comme celui d'Andrew Wang, l'intermédiaire de Thomson dans le contrat des frégates de Taiwan. Un contrat de 16 milliards de FF dont la signature a nécessité la mise en place d'un système de corruption impliquant les dirigeants communistes chinois, les militaires taiwanais... et le pouvoir politique français. Où l'on découvre le mécanisme complexe des rétro-commissions et des liaisons dangereuses entre marchands d'armes, services spéciaux et pouvoir exécutif.
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En janvier 2004, Jean-Louis Gergorin est définitivement convaincu que la mort de Lagardère s'explique par les systèmes de corruption.
Il se rend au Quai d'Orsay pour s'entretenir avec Dominique de Villepin. Son but est le lancement d'une enquête afin de trouver l'assassin et nettoyer le système.
Or quelques jours plus tard, Imad Lahoud apporte de nouveaux listings Clearstream où apparaît un autre réseau de corruption.
Celui-ci mène tout droit à la "guerre des droites" de 1993 à 1995, à un trésor de guerre supposé des balladuriens aux méandres de l'affaire Karachi.
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Voilà maintenant le nom même de Nicolas Sarkozy sur les listings ! On ne peut plus attendre : Gergorin transmet anonymement les listings au juge Van Ruymbeke. Le Point en fait sa Une en juillet 2004. Le feuilleton médiatique commence alors que le juge découvre que les listings sont faux. Entièrement faux ? Trop tard : l'affaire se retourne contre ses initiateurs. Au passage, Denis Robert est aspiré, puis traîné dans la boue. La logique judiciaire oblige chacun à sauver sa peau, alors que Nicolas Sarkozy promet de pendre le coupable « à un croc de boucher ». Deux procès délivrent une vérité judiciaire. Mais un mystère plane toujours autour du mobile du falsificateur Imad Lahoud. Pourquoi a-t-il fait cela ? A-t-il agi seul ? Il manquait une clé pour tout comprendre. Pierre Péan, au bout de son enquête, pense l'avoir trouvée...
MAJ des documentaires le 25/03/2015
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