Mythique, dans la digne lignée d'un "1984" ou d'un "Le meilleur des mondes", Peter Watkins peut-être défini en tant que visionnaire avec ce long métrage tourné en 1971 avec un style télé-réalité qui lui confère un aspect quasi moderne..
Oeuvre excessivement contestataire, PUNISHMENT PARK, sorti en 1971 dans une salle de la périphérie de New-York, fut exploité quatre jours seulement aux USA. Il se verra ensuite refouler par les distributeurs et n'a jamais été diffusé sur une chaîne de télévision américaine. Et pour cause : son réalisateur n'a pas les honneurs outre-atlantique, où il est considéré comme un fauteur de trouble paranoïaque et extrémiste. D'une apparente simplicité, PUNISHMENT PARK, qu'on pourrait assimiler au film de propagande d'un groupuscule anarchiste, reste un film d'anticipation et son auteur, Peter Watkins, un visionnaire. En effet, si on s'en réfère aujourd'hui aux camps de redressement américains pour lesquels peuvent opter les délinquants, afin d'éviter une peine de prison ferme, on frôle de très près le "délire" de PUNISHMENT PARK. Autre exemple, dans une autre partie du monde, connue pour sa conception très particulière des Droits de l'Homme, à savoir la Russie où des milices liées à la mafia locale interviennent avec la bénédiction de la police (donc des autorités) pour punir les délinquants abusant de substances illicites. Ils sont punis, brimés, battus, humiliés, le but étant d'en faire des agneaux dociles.
PUNISHMENT PARK dénonce la violence des Etats-Unis, à l'égard de ceux qui rejettent la pensée unique et la mondialisation. Il dénonce aussi fort le mépris de cette super-puissance à l'encontre des minorités, qu'elles soient noires ou communistes, voire les deux. Ainsi, sur le banc des accusés, sont assis des noirs américains, des chicanos et des gauchistes de la première heure. Des hommes et des femmes mus par une même volonté d'égalité, de justice et de paix. En ces temps troublés que sont les seventies, sur fond de guerre du Viêt-Nam et de guerre froide, autant dire que se justifier de telle ou telle idéologie était extrêmement dangereux, en tous cas très mal vu. En face de ces délinquants politiques, sont installés des américains moyens, propres sur eux et soi-disant défenseurs de l'ordre établi. La morale est leur maître mot. Le procès est filmé nerveusement, les protestations des uns se heurtent violemment aux accusations des autres. Le procès devient très rapidement une mascarade. La présence de l'avocat commis à la défense des accusés est l'exemple même de toute l'hypocrisie qui suinte à travers l'organisation de ce jugement où les dès sont pipés. Les accusés sont coupables. Ils doivent payer leur dette à cette société à laquelle ils refusent de s'aliéner. Deux solutions s'offrent à eux : une peine de prison interminable, totalement disproportionnée avec les délits commis, ou PUNISHMENT PARK. L'ironie de Peter Watkins n'est pas innocente dans le choix du titre, d'ailleurs, puisqu'on y verra volontiers une référence aux parcs nationaux américains ou encore aux parcs d'attraction où se pressent et s'uniformisent des millions d'américains. On pensera aussi immanquablement aux réserves d'indiens dépossédés de leurs territoires, parqués sur des terres stériles, livrés à eux-mêmes. Peter Watkins se contente de grossir le trait, rêvant que le public va s'apercevoir de la grande arnaque mondiale dans laquelle il est englué, et qu'il va se décider à refuser enfin cet état de fait. Ce n'est pas un hasard si en 2000, il a tourné un film intitulé LA COMMUNE, qui aborde les thèmes chers au réalisateur.
Pourtant, PUNISHMENT PARK peut aussi être vu comme une métaphore. Celle du parcours du combattant de toute personne qui veut s'élever contre un état totalitaire et policier. Il n'est pas étonnant de voir dans le Groupe 637 trois courants de pensée choisissant chacune une façon d'agir : le combat armé, la passivité ou l'avance naïve selon les règles dans l'espoir de mieux les dénoncer plus tard. Une véritable traversée du désert où il n'existe peu ou pas d'échappatoire face à la répression armée et aux moyens mis en oeuvre pour écraser toute forme de rebellion. Même si l'histoire se déroule aux Etats-Unis dans les années 70, le film pourrait ainsi se déplacer sans problème de nos jours et dans n'importe quel pays ! Plus proche de nous cinématographiquement parlant, on ne peut s'empêcher de penser à BATTLE ROYALE qui, s'il ne développe pas exactement les mêmes thématiques, se rapproche pas mal d'un PUNISHMENT PARK dans la dénonciation des dérives du système.