En octobre 1980, au sommet de sa gloire, Coluche décide de se présenter à l’élection présidentielle de 1981. Il a pris cette décision après avoir été mis à la porte d’Europe 1 où, chaque jour, il animait avec grand succès les tranches de l’après-midi et ridiculisait Valéry Giscard d’Estaing, empêtré dans l’affaire des diamants, puis de RMC, d’où il a été viré au bout de dix jours pour s’être moqué du prince et du Rocher. Interdit de médias, il annonce alors sa candidature à la présidentielle qui lui offrira, de fait, une tribune.
Ce qui n’est d’abord qu’une farce devient très vite sérieux. Conseillé par quelques amis issus de l’extrême gauche (Romain Goupil et Maurice Najman) et soutenu par l’équipe d’Hara Kiri, Coluche rallie une partie des intellectuels (Alain Touraine, Félix Guattari, Gilles Deleuze, Pierre Bourdieu) et de nombreux Français qui se reconnaissent dans sa gouaille et son franc-parler.
En quelques mois, il est crédité de 16 % d’intentions de vote. Un score qui inquiète autant la droite que la gauche. Mais, en avril 1981, au grand dam de ses comités de soutien, il annonce son retrait de la course présidentielle.
MENACÉ DE MORT
Que s’est-il passé ? Dans leur documentaire Coluche : un clown ennemi d’Etat, Jean-Louis Perez et Michel Despratx racontent, à l’aide de nombreux témoignages, comment l’Etat a demandé aux Renseignements généraux (RG) d’utiliser tous les moyens pour obliger le comique à renoncer à sa candidature.
Pour la première fois, les auteurs montrent le dossier des RG n° 817706 au nom de Michel Colucci, où sont consignés son casier judiciaire et toutes ses activités quotidiennes. Une opération supervisée de près par le « groupe de direction » des RG, qui n’a pas hésité à sortir des clous de la légalité et à utiliser des moyens très musclés, comme le révèlent plusieurs flics ayant participé à cette déstabilisation. « Il est vrai que le “groupe de direction” des RG était un Etat dans l’Etat policier », reconnaît Yves Bertrand, directeur des RG de l’époque.
A plusieurs reprises, Coluche a reçu des menaces de mort signées « Honneur de la police », un commando qui avait revendiqué l’assassinat de Pierre Goldman quelques mois auparavant. Les auteurs montrent aussi que la surveillance de Coluche ne s’est pas arrêtée après le retrait de sa candidature.
Elle a continué jusqu’au 19 juin 1986, jour de son accident de moto mortel. Le lendemain, la main anonyme d’un fonctionnaire de police a écrit sur le dossier : « DCD ».
Jean-Louis Perez et Michel Despratx - (France, 2011, 52 minutes).
Source du texte : Le monde
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