Dans la nuit du 1er au 2 septembre 2009, une équipe du Laboratoire d'aérologie de l'Observatoire
Midi-Pyrénées a pu filmer le développement de plusieurs sylphes de très grande taille à l'aide d'une caméra très sensible installée au Pic du Midi.
Les sylphes (sprites en anglais) sont des phénomènes lumineux transitoires (TLE) assez spectaculaires,
découverts "par hasard" en 1989 lors d'essais de nuit d'une caméra vidéo par une équipe de l'Université du Minnesota. Difficilement visibles à l'oeil nu, ils peuvent en effet apparaître sur des
vidéos obtenues avec des caméras très sensibles, typiquement de l'ordre du millilux en noir et blanc. Ils se produisent la plupart du temps au-dessus des zones stratiformes d'orages de type
méso-échelle, lorsque ceux-ci sont en fin de vie. Ce sont des décharges électriques qui se présentent sous diverses formes (colonnes, carottes, méduses...) et qui se développent dans la
mésosphère.
Il existe d'autres types de TLE, les elfes, jets, halos et trolls, qui se distinguent les uns des autres par
leur forme et par leurs conditions et régions de développement. Les sylphes sont produits quelques millisecondes à quelques dizaines de millisecondes après un éclair nuage-sol, celui-ci
neutralisant une grande quantité de charge positive dans le nuage et créant ainsi à une certaine altitude, typiquement 70 km, les conditions nécessaires à une telle décharge. Les jets se
développent à partir de sommets de nuages d'orage élevés et se présentent sous la forme de décharges lumineuses coniques bleues pouvant atteindre jusqu'à 35-40 km de hauteur. Les elfes, sortes de
grands anneaux lumineux (100-300 km de diamètre) se formant à la base de l'ionosphère, sont dus à des impulsions électromagnétiques très brèves générées par l'arc en retour d'éclairs nuage-sol
très puissants.
Depuis la découverte de leur existence, les TLE ont suscité des programmes d'étude un peu partout dans le
monde et leur observation par des moyens au sol ou spatiaux est devenue courante. En France, le Laboratoire d'aérologie de l'Observatoire Midi-Pyrénées réalise des observations de TLE depuis
quelques années dans le cadre des campagnes Eurosprite, notamment cette année avec une caméra installée au Pic du Midi et pilotée à distance par internet.
Les conditions à réunir pour détecter ces phénomènes sont une bonne visibilité locale et un orage de taille
suffisante se développant dans un rayon d'environ 700 km. Elles se retrouvent plusieurs fois par an pour un site donné et ce fut le cas au Pic du Midi dans la nuit du 1er au 2 septembre. Un orage
développé dans le nord-est de l'Espagne en début de nuit a pris une forme singulièrement circulaire vers 2h00 TU dans le Golfe du Lion (voir image méteosat). Plusieurs sylphes et halos ont alors
été vus par la caméra, certains atteignant des développements verticaux rarement observés.
Deux des plus spectaculaires sylphes détectés le 1er septembre 2009, l'un à 2h33min16s TU (à gauche) et
l'autre à 3h07min43s TU (à droite) et montrant plusieurs éléments de type "carotte" produits quelques millisecondes après des éclairs positifs, avec des pics de courant de 153 kA et 86 kA
respectivement.
Leur développement vertical est particulièrement élevé, de l'ordre de 70 km, pour une extension horizontale
d'environ 80 km. Alors qu'en général les sylphes se propagent vers le bas sous la forme de streamers pouvant atteindre au maximum une altitude d'environ 40 km, ils sont "descendus" ce jour-là
jusque dans la stratosphère, à moins de 30 km d'altitude, ce qui suggère des conditions particulièrement favorables.
Les vidéos, qui tournent en boucle, ont été ralenties par rapport à la réalité.
À partir de 2013, le microsatellite TARANIS (Tool for the analysis of radiation from lightning and sprites,
programme MYRIADE du CNES) observera depuis l'espace tous ces types d'événements lumineux ainsi que l'ensemble des émissions qui leur sont lié, afin de mieux comprendre leur implication dans
notre environnement.
Ces phénomènes sont en effet les témoins de transferts importants d'énergie entre la troposphère et les
couches supérieures et peuvent de ce fait jouer un rôle dans le circuit électrique global du système Terre-atmosphère, avoir une action sur la chimie de la mésosphère en participant à la
production d'oxyde d'azote ou encore être à l'origine d'émissions terrestres gamma très énergétiques (~ 20 MeV).
Source
Trouvé sur : L'Échelle de Jacob